Orogenèse hercynienne

Cette faille, ainsi qu'une bonne part de l'abondante fracturation qui affecte le plateau calcaro-dolomitique, est le résultat d'une intense activité tectoni­que qui s'est produite en de nombreux épisodes vers le milieu de l'Ère Tertiaire, et qui est le contrecoup de la surrection des Alpes et des Pyrénées. Ce soulèvement progressif des terres intérieures a aboutit à la régression de la mer primitive: les Grands Causses, et le Plateau de Camprieu, ont pu, dès lors, subir l'action des agents érosifs.

Grands écoulements tertiaire et quaternaire

Flirtant avec la ligne européenne de partage des eaux, divers cours d'eau ont, au cours des temps, arrosé les versants océanique ou méditerranéen de l' Aigoual. Avant l'érosion régressive qui a grignoté la crête de la Serreyrède, une rivière abondante circulait dans l' actuelle vallée du Bonheur , où ne s'épanche plus, de nos jours, qu'un tout petit ruisseau; cette rivière recevait un important affluent, sur le plateau même: le paléo-Trèvezel. Ces forts écoulements réunis, au pouvoir agressif accru, profitèrent des mil­lions de faiblesses de la roche craquelée à l'infini: failles et diaclases, qui sont des fractures plus ou moins verticales, et joints subhorizontaux des strates recoupés perpendiculairement par celles-ci. Aux dépens de ce mail­lage tectonique et structural, un réseau embryonnaire se dessina lentement, par usure moléculaire ou chimique (dissolution grâce au CO2) et mécani­que à la fois (enlèvement de matières solides, comme des grains de sable).

Un réseau noyé

Le cours d'eau issu de la réunion des deux rivières divaguait à la surface du plateau, formant une sorte de lac, appelé  "poljé", vers le Sud, et esquis­sant d'amples méandres semi-épigés orientés d'Est en Ouest, c'est-à-dire vers l'Océan. Par infiltration, l'eau agressive, issue du socle imperméable schisto-cristallin, forma un ensemble réticulaire de galeries noyées, à la pla­néité régulière, organisées autour d'une artère médiane fort dépendante de la tectonique et de la structure monoclinale du plateau (pendage régulier de quelques degrés vers le NORD-OUEST).

Les grands tunnels

Parallèlement, mais à un niveau supérieur, une grosse conduite souterraine s'élabora, dans un substrat plus gélif (Hettangien supérieur) plus sujet aux effondrements, et ce suivant un tracé grosso-modo identique à celui de l'artère centralisatrice précitée. Il en reste, aujourd'hui, le Grand Tunnel de Bramabiau à section rectangulaire et à voûte plate tendue, une vallée fossile, et, au terminus occidental de celle-ci, le Tunnel de la Baume des Renards aux proportions absolument identiques à celles du précédent, quoi­que de moitié moins long. Il semble que ces grosses conduites n'étaient présentes que ponctuellement, à l' emplacement de lobes de méandres qu' elles auraient recoupés souterrainement. La rivière semi-épigée se poursuivait plein Ouest, au-delà de la Baume des Renards ; son lit passait au-dessus de l'actuel vide de l' Alcôve. 

Bien plus tard, quand l'approfondissement des rivières majeures se fut opéré, I 'érosion régressive provoqua la capture d'une bonne partie des eaux de l'impluvium de l' Aigoual, au profit du fleuve Hérault, la capture du Trévezel au profit d'un ravin, et l'abaissement formidable du ruisseau de Bramabiau.

Dénoyage du réseau


Il s'ensuivit le dénoyage du réseau dendritique de la caverne (devenu les actuels labyrinthes). Consécutivement au délabrement partiel du Grand Tun­nel, qu'un spectaculaire effondrement affecta (le Balset), une capture à contre-pendage se réalisa au profit des labyrinthes. Une autre capture se produisit aux dépens du cours semi-épigé (affluent de la Salle du Repos), ce qui aboutit à rendre fossile la Baume des Renards.

Le canyon souterrain

Le résultat de tous ces nouveaux faits fut le creusement exacerbé de l' artère centrale, celle qui déjà drainait le réseau noyé de Bramabiau : elle évolua en véritable canyon souterrain, c'est-à-dire une galerie haute et relative­ment étroite.

Par la suite, l'approfondissement du lit du Bonheur en amont du Grand Tunnel rendit impossible tout extravasement en direction du lit semi-épigé, qui devint tout à fait fossile. Depuis lors, la perte du Bonheur est devenue totale. Le travail de sape se poursuit intensément même de nos jours; il nous a permis de connaître près de onze kilomètres de réseau dispersé sous une surface d'un demi kilomètre carré, ce qui représente un extraordinaire pour­centage de vide existant par rapport à la masse de la roche encaissante. Ce processus-là, que l'on appelle "karstique", n'est qu'une péripétie dans le stade fugace de l'évolution morphologique du Plateau de Camprieu qui est appelé inéluctablement à disparaître à brève échéance. . . dans l'échelle des temps géologiques.


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